Le point

Le point

Ceci n’est pas fait pour être lu. D’ailleurs, même moi je ne vais pas me relire et il y aura sans doute plein de fautes. Mais je me dis que ça pourrait être utile de sortir tout ce que j’ai en tête et que ça pourrait mieux marcher si c’était publié qu’oublié dans un fichier au fond de mon disque dur.

Je suis né le 9 octobre 1990. Pas vraiment de souvenirs marquants dans mon enfance. Mère ultra possessive et père incapable d’écrire correctement mon prénom. Les seules sorties étaient pour aller faire les courses le samedi après-midi et les vacances, où mon père (menuisier) transformait son fourgon en simili camping-car et où on vadrouillait durant deux semaines. Le seul musée qu’on a visiter, c’est un musée sur le Débarquement à Sainte-Mère-L’Église. À part ça, jamais de sorties culturelles, jamais de ciné et même jamais de films : je dois être la personne de mon âge à avoir vu le moins de Disney. Par contre, télé à fond avec toutes les émissions stupides possibles. La seule chose que j’avais, c’était le Journal de Mickey que ma grand-mère m’achetait chaque semaine.

Heureusement que l’école, c’était mon truc. Aucune difficulté et du coup, personne s’intéressait à moi. Je me souviens de ma prof de CP dire «Cyril est très bien mais tout le monde serait comme lui, on s’ennuierait». Au début du CM1, on m’avait proposé de rejoindre les CM2 : j’avais refusé, je voulais pas me retrouver avec des gens que je connaissais pas. En ne mangeant pas à la cantine et étant donc présent que pour les cours, de toute façon, je pouvais pas connaître grand monde.

Passage au collège. Les premiers jours sont très difficiles : trop de monde. Heureusement, mon prof principal l’a remarqué, me demande de rester un peu après un de ses cours, me dit de me concentrer sur moi et après, tout se passe mieux. Une fois, une surveillante est venue me voir pour savoir si ça allait vu que j’étais tout le temps tout seul à la récré, assis sur un banc : elle est vite repartie quand elle a vu que j’étais très content dans mon bouquin de maths.

Le collège, c’est aussi ma seule période de demi-pensionnaire. J’ai toujours été hyper difficile niveau bouffe : pas de raisons particulière si ce n’est que le cerveau déconne. C’est pas gênant en rentrant chez soi à midi ; ça l’est plus quand on passe par un self avec menu à moitié imposé, qu’on ne mange rien et qu’on se rattrape sur le goûter. Je suis ainsi rapidement passé de on-peut-compter-mes côtes à bouboule.

Avec le collège arrive les premières réflexions sur l’orientation. N’ayant toujours aucun problème niveau cours, tout m’est ouvert. Mais ce que je voudrais, c’est rester à l’école pour continuer à apprendre mais vu que c’est pas possible, j’envisage alors de faire apprendre. Me voici donc avec l’idée d’être professeur des écoles. Je vais même mon stage de 3ème dans mon ancienne école primaire.

C’est aussi vers cette période que je commence à toucher aux ordinateurs. Notre premier ordinateur à la maison est issu du changement de machines au boulot de ma tante et on se retrouve donc avec une machine tournant sous Windows 3.1. Je m’intéresse alors à Basic et fouille les vieux Science & Vie Junior du CDI, où se trouvait une section Informatique avec des programmes à recopier. Il y avait aussi au collège un club math/info durant quelques temps, le vendredi entre midi et deux. J’étais tout seul à venir, avec le prof qui s’occupait de ça. On faisait de la crypto ultra basique, avec la partie théorique en maths et la partie pratique en programmation, toujours Basic.

Ma passions pour les maths et les sciences en général ne faisant que grandir, je continue au lycée dans une filière scientifique. Le lycée est encore plus proche de la maison que ne l’était le collège, du coup, en plus de me déposer juste avant le début des cours et de m’attendre à la sortie, ma mère vient aussi me récupérer à midi. Hors de question donc de traîner en dehors des cours et de toute façon, j’en ai pas vraiment envie.

Toujours en tête de classe et donc toujours ignoré de tous vu qu’il y a des cas plus urgents à traiter. J’ai tout de même eu mon instant de gloire en finissant 5ème du concours Kangourou en 1ère, ce qui m’a valu un passage chez le proviseur pour me féliciter et visiblement une mention dans un affichage ou une mailing-list vu que la moitié des profs m’en ont parlé durant quelques jours. Ce classement m’a aussi permis de participer à une finale ayant lieu au Palais de la Découverte un samedi avec visite du Palais, puis visite de Paris le lendemain. Mais hors de question d’avoir tout ça pour ma mère : j’arrive le samedi midi et je repars le samedi fin d’après-midi et accompagné de ma grande sœur, parce qu’il faudrait quand même pas que j’ai à me débrouiller tout seul.

Tout le reste du lycée se passe tranquillement. Au niveau orientation, on me dit qu’avec mon niveau, je devrais aller en prépa, un truc dont j’ai jamais entendu parler. J’avais juste entendu parler de l’université, vu que sur mon schéma, c’était par là qu’il fallait passer avant de faire prof.  On me parle aussi d’ingénieur : encore une fois, jamais entendu parler mais il y a un truc qui me chiffonne : le mot en lui-même. Pas ce qu’il signifie mais comment il sonne : j’aime pas ce mot.

Je me retrouve donc en prépa. Toujours à Poitiers donc toujours avec ma mère qui me dépose à l’entrée et m’attend à la sortie. Toujours externe mais sans rentrer à midi, je me prends un truc à manger dans le coin. De toute façon, mes grands-parents habitent juste à côté s’il y a un problème.

À la maison, la connectivité au monde s’améliore. J’ai abandonné la télé. J’ai eu une période radio puis Internet est arrivé. À la faveur d’un autre changement de parc au boulot de ma tante, on a eu une machine plus récente, sous XP puis, en entrant en prépa, la région m’a fourni un ordinateur portable. Je passe donc une grande partie de mon temps sur le web et il y a aussi eu des chaînes de télé disponibles par ADSL.

C’est par contre en prépa que ça se complique niveau cours. Vu que personne s’est occupé de moi en cours jusque là parce que j’y arrivais très bien, j’ai jamais eu à travailler et personne ne m’a poussé à aller plus loin. C’est dommage parce que là, ça m’aurait été bien utile. J’arrive à passer la première année et le tout début de la seconde mais après, je ne tiens plus le rythme. Puis il y a ce truc d’ingénieur qui revient, avec plein d’écoles qui viennent se présenter. Non, définitivement, j’aime pas ce mot. Je trouve quand même une école de statistiques qui a l’air intéressante et qui présente l’avantage de ne pas avoir de physique au concours d’entrée alors que je suis complètement à la rue dans cette matière. Je me foire complètement, je me refais une seconde seconde année où je n’arrive toujours pas à tenir le rythme pour finalement rater l’admissibilité à 15 points.

La suite logique aurait été de partir en fac de maths. Ça serait rejoindre l’itinéraire prévu à la base, même si je sais maintenant que je ne serais pas professeur des écoles : je suis déjà incapable de parler aux gens. Mais après avoir raté un concours d’entrée dans une école mathématique, je doute d’avoir le niveau pour. Mon prof de maths de prépa m’évoque alors la possibilité d’aller en informatique. J’entre alors en L3 puis je continue en master.

Avec le M2 vient la phase de professionnalisation.  Ça commence avec un projet, interne à l’université ou avec des entreprises. J’arrive dans une start-up située à quelques mètres de la fac qui bosse dans l’Internet des objets et qui veut développer une plate-forme web pour pouvoir gérer ses objets. Je pars donc là-dedans puis vu que ça a l’air de bien se passer, ils me prennent pour mon stage de fin d’études puis ils m’embauchent. Après quelques mois, on obtient une version de démonstration fonctionnelle. J’y vois pleins de choses qui ne vont pas mais la boîte s’en sert pour communiquer et démarcher des clients. De mon côté, je profite d’avoir les moyens pour partir de chez mes parents.

Après ça, je pense pouvoir m’attaquer au développement d’une version finale de cette plate-forme mais ce n’est pas l’orientation prise. On me demande des modifs du démonstrateur, en passant des mois sur des choses qui me semblent absurdes, sans pouvoir faire passer mes idées sur des évolutions futures. Je suis le seul à faire du web dans la boîte, la vision des choses n’est pas la même. Je pars finalement en avril 2016.

À ce moment-là, j’ai pas grand chose dans ma vie. J’aime coder, j’ai un peu d’argent de côté mais c’est tout. Je décide de souffler quelques temps avant de reprendre le boulot parce que ça fait plus de deux ans que je n’ai pas eu plus d’une semaine de coupure, mais pour faire quoi ? Je sors pas, je voyage très peu, je vais ni au resto, ni en boîte, ni au ciné, ni en concert, je n’ai jamais eu d’amis… Après m’être fait énormément violence, j’arrive tout de même à me lier d’amitié avec quelqu’un.

Septembre arrive et je me lance donc dans le recherche de boulot. Sauf qu’autour de Poitiers, des postes en ingénieur ou développeur web, y en a pas tant que ça. Je postule tout de même à ce que je trouve mais les entretiens sont horribles. Mon CV est bon mais en me voyant, c’est comme si ça ne comptait pas. Je suis timide, pas du tout doué pour parler et j’aime pas me mettre en avant. Je n’apparaît pas comme un potentiel développeur mais comme un risque. Sauf que je peux pas faire semblant durant l’entretien, j’en suis incapable, je supporte pas de jouer un rôle. Du coup, même si tout est bon niveau compétences, je n’inspire pas confiance. Déjà que mon niveau d’estime était pas haut, il s’enfonce mois après mois. Mais je continue à me dire que j’ai les compétences pour et que ça pourra passer si je tombe face à quelqu’un qui ne se contentera pas du paraître.

Jusqu’en juillet 2017. J’envoie mon CV à une boîte qui cherche un développeur web pour un projet en lien avec l’Internet des objets. Je les connais parce qu’ils étaient parmi les testeurs de la plate-forme que j’avais développée à mon ancien boulot. On m’a toujours dit que les retours étaient très bons, je me dis donc que j’ai mes chances. Mais je n’ai même pas été convoqué à un entretien.

À partir de ce moment-là, l’espoir a complètement disparu. Heureusement, j’ai pu passer mon mois d’août sur quelque chose d’intéressant et ainsi m’éviter de plonger durablement dans la déprime. Mais depuis septembre dernier, rien qui ne me dise que ça pourrait s’arranger. Au contraire, j’ai même de plus en plus de mal avec le monde environnant.

On arrive fin août. Normalement, c’est le début d’une période que j’apprécie. Quand j’étais gamin, c’était la fin de vacances bien trop longues, le retour des cours et mon anniversaire qui approchait. Plus tard, c’était la fin des chaleurs pesantes de l’été et le retour de tout ce qui s’était interrompu en juillet et août. Mais cette fois-ci, je ne vois rien revenir, même pas les nouveautés de Nolife.

Et après ? Quoi attendre ? Retrouver du boulot serait déjà la première chose à avoir mais comment ? Et à part ça ? Je me rends désormais compte à quel point j’ai rien ou presque dans ma vie. Et voir l’état du monde autour donne guère envie.

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